L'elephant d'Asie est plus court sur pattes et plus trappu que son lointain cousin d'Afrique. Les femelles n'ont pas de defenses, et tous portent une bosse sur le dos comme des dromadaires (en Afrique les sommets de ces montures sont tout plats). Apres un long chemin cahotique sur les routes cabossees de la campagne indienne (le car joue a peu pres le meme role que les tape-culs qu'on trouve dans les jardins d'enfants chez nous), nous parvenons a bord de courants rapides. Un bac nous conduit sur l'autre rive, ou s'etend le "Durbar Camp", une reserve naturelle de plusieurs centaines d'hectares ou vivent en semi-liberte une vingtaine d'elephants. Notre lever matinal (6h) nous autorise a assister a la toilette des grosses bebetes. L'un apres l'autre, males et femelles, petits et grands descendent majestueusement dans l'eau pour s'y faire frotter et masser par leurs conducteurs (= les "cornacs"). Nous faisons naturellement une moisson de photos. Les pieds dans l'eau, certains osent meme s'approcher des mastodontes et les caresser. Quelques uns ont droit a des "benedictions" avec la trompe delicatement posee sur le cuir chevelu.
Apres la toilette, les enormes mammiferes remontent lentement, solennellement la pente abrupte qui mene a une petite cabane perchee en hauteur, ou les touristes s'appretent a embarquer sur ces vaisseaux de chair et d'os. Une fois en voiture, la ballade est un peu courte, mais elle vaut le detour. Ca tangue la-haut, on attraperait presque le mal d'elephant, si l'on n'etait pas immediatement embaumes par la sagesse de ces dignes compagnons de route !
De retour sur la terre ferme, nous faisons route (toujours sur le tape-cul) vers un monastere bouddiste erige en 1962, peu apres l'invasion de Lhassa par les troupes communistes chinoises, dans l'espoir de perpetuer les traditions pluriseculaires du Bouddhisme tibetain. L'endroit ne paye pas de mine, il est meme un peu isole au milieu des palmiers. Mais l'interieur se revele une veritable cite interdite, fourmillant de centaines de bonzes au crane rase et vetus de robes pourpres en bandouliere comme jadis les Patriciens portaient la toge a Rome. Au son du gong, nous penetrons religieusement dans le batiment central, une immense salle de priere aux couleurs chatoyantes et aux ors fins. En un clin d'oeil, plusieurs centaines de ces "guerriers pacifiques" envahissent le lieu et s'y installent les jambes en tailleur pour entamer la priere rituelle, faite de chants repetes comme des mantras et d'oscillations du buste d'avant en arriere. La scene est veritablement pittoresque. Nous nous retirons discretement (subrepticement, j'ai reussi a caser ce mot!) par respect pour le recueillement des moines, puis regagnons les jardins fleuris qui diffusent un parfum mystique. Au passage, je me fais harponner par des touristes indiens qui tiennent ab-so-lu-ment a se faire prendre en photo a cote d'un Blanc. Il faut comprendre : ici, plus le teint est clair, plus on est apprecie...
Un safari photo sera la troisieme etape de cette excursion a la cadence rapide, qui ne trahit pourtant aucun empressement. L'inde etire le temps et le fige. Nous perdons progressivement les notions de jours, d'heures, pour ne plus respirer qu'a l'unisson des (tres frequentes) coupures de courant, qui marquent le principal tempo de la vie quotidienne. Le safari, donc, fut presque decevant, si l'on en juge par le nombre d'animaux apercus : quelques troupeaux de daims a l'echine pommelee, un aigle haut perche sur une branche touffue qui le dissimulait a nos regards percants, un singe effraye fuyant l'objectif de nos appareils photos, deux ou trois buffles sauvages... La meilleure trouvaille fut une famille d'elephants, apercue au loin, qui joua un moment a cache-cache avec nos zooms avant de s'y derober completement. C'est l'ambiance desordonnee au sein de la fourgonnette qui aura le plus caracterise cette sortie : une cacophonie de rires etouffes, de pincements a nos voisins de banquettes et, surtout, de grosses bousculades vers la fenetre a chaque alerte du guide, qui cherchait desesperement a maintenir le silence...
Nous rentrames satisfaits -- et epuises -- d'une telle expedition. Heureusement, de bonnes paillasses bien seches, etalees a meme le sol de beton, nous attendaient, et nous ne tardames pas a nous endormir. Les dimanches matin a H.D. Kote sont encore plus matinaux que les jours de semaine. On s'y leve tot pour assister a la messe de 8h30, qui dure, dure, dure... principalement a cause de la logorhee legendaire du cure, dont l'homelie (27 min. ce matin), prononcee dans une langue inconnue, avec une grande barbe, l'index pointe vers le Ciel et des intonations en soubresauts, me donne parfois l'impression d'appartenir a une armee de revolutionnaires rouges qu'haranguerait un Lenine survolte.
L'apres-midi dominical fut consacre a une promenade aux accents tres "famille". Nous allames visiter un grand herboriste dans un hameau situe a quelques encablures de notre bourg. Tout en parcourant les allees ensoleillees de son potager-verger, il nous enseigna les grands principes de la medecine ayurvedique, selon une tradition qu'il tient de son pere, qui lui-meme la tenait de son grand-pere... Assis tous en rond dans son laboratoire, il nous servit plusieurs decoctions apaisantes qui pour la toux, qui pour les maux d'estomac ou le transit intestinal. L'aloe vera est un remede a tout ! Pour ceux qui connaissent Les bronzes font du ski, nous avons pense tres fort a la scene ou ils sont invites a boire de la gnole dans un chalet perdu, et Michel Blanc demande aux paysans : "Et, le crapaud, vous le faites rentrer comment dans la bouteille ?" avant de s'effondrer lui-meme sur sa chaise...
Voila pour le charmant week-end de sensibilisation culturelle. Je suis heureux a l'idee qu'on aura tous des histoires a raconter au coin du feu a nos petits-enfants...
* Charlie
1 commentaire:
si charlie est mon vieux scharlou, alors marie noëlle est sa mum...
je découvre beaucoup de choses sur les photos de vous tous et je reconnais dans le témoignage de cette mémorable journée tous les points de détails de vos découvertes, ce pourquoi vous teniez aussi à faire ce voyage, j'espère que chacun de vous vit chaque jour comme une grande chance...
marie noëlle
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