Bienvenue

Bienvenue à tous ! Voici le blog de l'équipe de la 28ème édition des chantiers Inde Espoir.
Nous partons cette année à H.D. Kote (Etat du Karnataka) afin de reconstruire les locaux de la St Mary's Kannada Higher Primary School.
L'argent que nous récoltons servira à financer le tiers de la reconstruction de l'école :
matériaux, salaires maçons et architecte, entreprise de construction

"La vie est une aventure, Ose la" (Mère Teresa)


Pour l'utilisation pratique du blog :
Nous essaierons de mettre à jour aussi régulièrement que possible le blog, ainsi que des photos. Vous retrouverez dans le menu de gauche tous les articles précédents. N'oubliez pas qu'un blog est un journal pour vous faire partager nos petites aventures quotidiennes, mais vous pouvez aussi interagir avec nous en nous laissant vos commentaires qui seront les bienvenus et rendront ce blog vivant ! il suffit juste de cliquer en bas des posts !


lundi 8 décembre 2008

Le journal du voyage

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HD KOTE MAINS D’ESPOIR
JOURNAL D’UN ETE INDIEN AUX COTES DES DALITS
JUILLET 2008
Ce journal est le témoignage collectif de l'équipe Inde Espoir - HD Kote 2008, composée de quatorze étudiants : Maxime Billot, Bruno Cruchant, Perrine Davoust, Violaine Desportes, Maud Fichet, Alexandre Garcia, Corentin Gouëzel, Damien Hay, Margot Lion, Charlotte Mary, Delphine Moussel, Charles Sellen, Vincent Viguié et Marie Volkringer.

Nous tenons à remercier très chaleureusement le Père
Christian Mellon sj, pour la fécondité de son accompagnement spirituel, qui nous a guidés tout au long de cette riche et saisissante expérience humaine.


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Jeudi 3 juillet 2008 – Bangalore
Nous avons tous atterri à Bangalore - premier contact avec le monde indien - et y passons quelques jours, avant de prendre la route pour HD Kote, où se situe l’école pour laquelle nous allons travailler. Nous sommes accueillis à Bangalore par le Père Claude D’Souza, dans le foyer nommé Ashirvad, tenu par les jésuites, dans le centre de la ville. Au programme: mise en condition pour affronter une gigantesque ville indienne, polluée, sale, extrêmement bruyante à cause du flux incessant des voitures, des motos et surtout des rickshaws – petit véhicule tricycle à propulsion mécanique ou humaine, si emblématique de la ville indienne. Et ce n’est rien par rapport à d’autres mégalopoles comme Mumbaï, nous dit-on !

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Petit cours de conduite indienne: prenez une voiture (plus ou moins fiable), enlevez tout le superflu (rétroviseurs, clignotant…), gardez surtout un bon klaxon qui vous permettra d’avertir les autres automobilistes (ou jeunes Français dans les parages) de votre présence ou de votre intention de changer de direction. Doublez à votre convenance par la droite ou la gauche, ou par la voie réservée aux véhicules en face. En cas d’extrêmes embouteillages, n’hésitez pas à emprunter le trottoir !
Voilà pour la conduite. Revenons au programme. Quelques points forts de notre visite mijotée par Father Claude.
Les « Slums » (bidonvilles). Nous en avons visité deux. Les conditions de vie y sont évidemment très dures, mais les Indiens toujours accueillants et les enfants heureux de notre visite. Un petit thé Masala (épice indienne) nous est offert, comme lors de chacun de nos déplacements et plus tard sur le chantier.
Autre point fort : une conférence sur la santé publique en Inde, donnée par un universitaire de Bangalore, créateur d’une ONG mondialement connue – « People Health Movement » - qui travaille en collaboration avec Médecins du monde.
Enfin, pour finir sur Bangalore, une journée intensive de visite de temples nous permet de découvrir cinq des religions de l’Inde : jaïnisme, hindouisme, islam, sikhisme et bouddhisme. Pour le christianisme, ce sera notre quotidien à HD-Kote.
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Samedi 5 juillet 2008 – Départ pour le chantier !
Départ pour HD Kote dans un bus loué spécialement pour nous. Presque 7 heures de voyage pour 220 kilomètres ! Dont 90 minutes rien que pour sortir de Bangalore dans les embouteillages du samedi… On remercie Sainte Rita (patronne des causes désespérées) d’être arrivés en vie. En prime, durant le voyage, un Bollywood proposé par la TV du bus, avec de grands acteurs et un scénario du tonnerre, le tout en Hindi. Après avoir traversé la campagne du Karnataka, puis la ville de Mysore, nous découvrons peu avant minuit le bourg de HD-Kote plongé dans le calme et l’obscurité. Les rues désertes contrastent de manière saisissante avec l’agitation effrénée de Bangalore
Nous pénétrons dans nos appartements, situés dans le « Spoorthi Centre », un bâtiment construit en 2000 et 2002 par deux équipes Inde Espoir. Il s’agit d’un petit centre d’aide sociale dirigé par les Sisters, séparé de notre chantier par une immense cour de récréation. Cet espace, nous le traverserons quotidiennement durant quatre semaines, en proie aux formidables assauts des enfants, si heureux de nous voir.
Petite description de notre lieu de vie : prenez une salle de classe suffisamment grande pour allonger 14 corps, un rideau de chasteté pour séparer filles et garçons ; ne négligez pas la dureté du sol que vous adoucirez par une fine couche (0,2 cm) de paille tressée. En guise de sanitaires, vous ferez venir vos toilettes de Turquie (très bonne qualité) ; ne vous encombrez pas d’une chasse d’eau : un seau fera l’affaire ; agrandissez un peu l’espace afin de pouvoir vous doucher avec ce même seau. Le confort, vous l’aurez compris, est un peu spartiate, mais qu’importe !
Les Sœurs nous réservent un accueil très chaleureux. Le lendemain, notre arrivée est fêtée de manière très solennelle, d’abord par l’ensemble de la communauté des Sisters, puis par les enfants. Les Sisters ont préparé un chant de bienvenue (« Welcome »), qu’elles entonnent a capella, et nous offrent à chacun une fleur. Mais c’est la cérémonie des enfants de l’école qui nous impressionne le plus. Une fanfare de gamins en uniformes d’un blanc immaculé vient nous chercher devant le Spoorthi et nous précède dans une procession qui nous mène au centre de l’école, où tous les élèves nous attendent sagement.
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Nous sommes alors fêtés comme des rois. Discours de bienvenue en kannada (la langue du Karnataka), chants, danses indiennes magnifiques et saynètes bibliques s’enchaînent sous nos regards émus. Prévenus du caractère solennel et grandiose de cette cérémonie par le Père Mellon, qui a la chance de vivre des instants similaires chaque année, nous avons nous-mêmes préparé au pied-levé un chant en canon et une danse humoristique que les enfants semblent avoir beaucoup appréciée, pour nous l’avoir mimée tout au long du mois !
HD Kote, mardi 15 juillet 2008 – Première semaine de chantier !
Au bout d’une semaine de chantier, l’équipe est toujours en vie malgré quelques pieds amputés, visages défigurés, intestins malmenés… Il fallait bien que ça commence !
Blague à part, cette première semaine s’est écoulée au rythme des grains de sable que nous égrenons jours (40 degrés sous le soleil) et nuits (enveloppés sous nos moustiquaires, finalement inutiles). Palmiers, sable chaud et fin, lunettes de soleil, gants de chantier : on se croirait presque à Quimiac-sur-Mer ! Plus concrètement, nous offrons nos bras et avant-bras au tamisage du sable, nécessaire à la fabrication du ciment, béton et autres substances suspectes qui nous permettent de faire la multiplication des 5 murs et 2 fenêtres. Notre palmarès affiche 2 salles de classes terminées à ce jour, et tandis que nous achevons la troisième, les premières se sont remplies de petits bambins bruyants, et ce pour notre plus grand plaisir !
« Ittige », « gale », « niru », « tsuna » et « filtered sand » résument nos conversations profondes avec les ouvriers Lara, Captain, Snake Man, Ishmara, Maya et Djempa. Nous sympathisons très rapidement : quand on sue ensemble à grosses gouttes, ça soude ! A noter tout de même une certaine fantaisie dans « l’organisation » telle que comprise par les Indiens, qui s’amusent à nous faire déplacer des tas de graviers d’abord à droite, puis à gauche, et de nouveau à droite ; à remplir des bassines de sable qu’ils iront vider sans qu’on comprenne pourquoi. Par ailleurs, ça fait maintenant une semaine que « les briques arrivent demain », selon le chef de chantier !

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L’après-midi, sitôt rentrés, une petite tasse de thé avalée, les Sisters continuent la bamboula avec nous. En vrac, nous vous dévoilons en exclusivité les péripéties de la team « Collector » (nom de baptême de notre équipe !) :
- Lamentable essai de la part des Frenchies de s’initier à la grâce des danses bollywoodiennes, provoquant les fous-rires de Sister Mila, experte dans ce domaine.
- Tentative de battre le record-du-monde-d-entassement-d-etudiants-sisters-father-et-conducteur-de-nuit-dans-une-jeep-peu-fiable-et-prévue-pour-huit. Record explosé : nous tenons bel et bien à 17, avec les Sisters sur les genoux des garçons !
- Matchs de foot avec les enfants, dans la cour de récréation, en fin de journée.
- Et enfin, nous remercions toutes les mamans qui ont transmis à leurs enfants l’art culinaire de Ginette Mathiot ou des « Cakes de Sophie » : le repas français concocté a l’indienne pour le 14 juillet fut un succès ! Et ce malgré la coupure d’électricité quotidienne (la « power cut ») qui nous a contraints à éplucher, peler, découper les légumes et cuire notre ratatouille…dans le noir !


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Mercredi 16 juillet 2008 – Notre chantier dans la presse locale !
Un journaliste du Prajavani News, un journal local, est venu nous rendre visite sur le chantier, pour écrire un article sur nous ! Peu après, nous le découvrons dans le journal. Ecrit en kannada, il nous est traduit en anglais par Sister Jane. En voici la traduction par Bruno :
« HD Kote: En cette époque où les gens ne travaillent pas comme ils le devraient, même après s'être vu proposer de justes salaires, il existe un groupe d'étudiants français venu en Inde pour travailler un mois gratuitement à la construction d’un bâtiment scolaire de la St. Mary's Kannada Higher Primary School. Vous êtes surpris ? Sûrement, vous devez l’être !
L'équipe a pour guide le Père Christian Mellon, un jésuite, et compte quatorze étudiants qui suivent différents cursus d’études : ingénierie, médecine, sciences politiques, littérature, sciences commerciales, musique et orthophonie. Mlle Maud est la chef du groupe, et M. Damien le chef de chantier. Les autres membres sont Perrine, Violaine, Margot, Charlotte, Delphine, Marie, Maxime, Bruno, Alexandre, Corentin, Charles et Vincent.
Le groupe est très consciencieux et travaille de neuf heures du matin à quatre heures et demie du soir, avec une courte pause pour le thé et le déjeuner. Ces étudiants préfèrent travailler comme les autres ouvriers, à leurs côtés, pour apprendre le métier et entrer en interaction avec eux. Leur devise est Service. Durant leurs vacances, ils travaillent pour gagner l'argent dont ils ont besoin pour leurs études ainsi que pour visiter d'autres pays, afin d'en apprendre la culture et d'avoir une expérience de travail.
Pendant leurs voyages, ils portent avec eux tout leur équipement, et ne font pas appel aux services de porteurs. Parmi eux, il n'y a pas de discrimination entre les sexes. Tous travaillent de manière égale. Filtrer le sable, construire des murs avec les maçons, porter le fer, etc. etc., ils sont prêts à tout faire. Il y a beaucoup à apprendre d'eux, à travers leur intense travail, leur devise de service, leur ponctualité et leur assiduité, leur dignité dans le travail... Dans une société comme la notre où nous pensons que ceux qui ont une meilleure éducation n’ont pas à travailler, nous avons besoin d'apprendre la dignité du travail auprès d'eux, en prenant conscience que tout travail est digne et que tous, dans la société, sont égaux. »
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Dimanche 20 juillet 2008 – Un dimanche avec les éléphants
Le week-end dernier avait été, pour la petite escouade de Frenchies, l'occasion d'une virée culturelle au palais du Mahahahaharajah de Mysore (dont nous avons appris qu'il fut membre du Club des Jacobins pendant la Révolution française), maintes fois reconstruit mais toujours superbe lorsqu'il s'illumine à la tombée de la nuit. Pour le deuxième week-end, nous avons rééquilibré les choses : point de sensibilisation à l'histoire politico-économique de la région, point de marchandage dans les échoppes surchargées des ruelles étroites... Nos Sisters nous ont fait découvrir la face cachée de l'Inde profonde : la jungle (prononcez "djun-gueule"). On y trouve notamment, parmi la faune exotique, des éléphants.
L'éléphant d'Asie est plus court sur pattes et plus trapu que son lointain cousin d'Afrique. Les femelles n'ont pas de défenses, et tous portent une bosse sur le dos comme des dromadaires (en Afrique les sommets de ces montures sont plats). Après un long chemin chaotique sur les routes cabossées de la campagne indienne (le car joue a peu près le même rôle que les tape-culs qu'on trouve dans les jardins d'enfants chez nous), nous parvenons au bord d’une rivière. Un bac nous conduit sur l'autre rive, où s'étend le "Durbar Camp", réserve naturelle de plusieurs centaines d'hectares où vivent en semi-liberté une vingtaine d'éléphants. Notre lever matinal (6h) nous permet d’arriver à temps pour assister à la toilette des grosses bébêtes. L'un après l'autre, males et femelles, petits et grands, descendent majestueusement dans l'eau pour s'y faire frotter et masser par leurs conducteurs (les "cornacs"). Nous faisons naturellement une moisson de photos. Les pieds dans l'eau, certains osent même s'approcher des mastodontes et les caresser. Quelques uns ont droit à des "bénédictions" : la trompe venant délicatement se poser sur le cuir chevelu.
Après la toilette, les énormes mammifères remontent lentement, solennellement, la pente abrupte qui mène à une petite cabane, où les touristes s'apprêtent à embarquer sur ces vaisseaux de chair et d'os. Une fois en voiture, la ballade est un peu courte, mais elle vaut le détour. Ca tangue là-haut, on attraperait presque le mal d'éléphant, si l'on n'était pas immédiatement embaumé par la sagesse de ces dignes compagnons de route !
De retour sur la terre ferme, nous faisons route (toujours dans notre bus tape-cul) vers un monastère bouddhiste tibétain érigé récemment. Plusieurs milliers de Tibétains sont arrivés là dans les années 60, peu après l'invasion de Lhassa par les troupes communistes chinoises. Leur monastère, construit dans l'espoir de perpétuer les traditions pluriséculaires du Bouddhisme tibétain, a pris de l’ampleur. L'endroit ne paye pas de mine, isolé au milieu des palmiers. Mais l'intérieur se révèle une véritable cite interdite, fourmillant de centaines de bonzes au crâne rasé, vêtus de robes pourpres en bandoulière comme jadis les Patriciens portaient la toge à Rome. Au son du gong, nous pénétrons religieusement dans le bâtiment central, une immense salle de prière aux couleurs chatoyantes et aux ors fins. En un clin d'œil, plusieurs centaines de ces "guerriers pacifiques" envahissent le lieu et s'y installent, jambes en tailleur, pour entamer la prière rituelle, faite de chants répétés comme des mantras et d'oscillations du buste d'avant en arrière. La scène est vraiment pittoresque. Nous nous retirons discrètement, par respect pour le recueillement des moines, puis regagnons notre bus à travers des jardins fleuris qui diffusent un parfum mystique.
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Un safari photo sera la troisième étape de cette excursion à la cadence rapide, qui ne trahit pourtant aucun empressement : l'Inde étire le temps et le fige. Nous perdons progressivement les notions de jours, d'heures, pour ne plus respirer qu'à l'unisson des (très fréquentes) coupures de courant, qui marquent le principal tempo de la vie quotidienne. Le safari, donc, fut décevant, si l'on en juge par le nombre d'animaux aperçus : quelques troupeaux de daims à l'échine pommelée, un aigle haut perché sur une branche touffue qui le dissimulait à nos regards perçants, un singe effrayé fuyant l'objectif de nos appareils photos, deux ou trois buffles sauvages... La meilleure trouvaille fut une famille d'éléphants, aperçue au loin, qui joua un moment à cache-cache avec nos zooms avant de s'y dérober complètement, et surtout un gros éléphant solitaire qui traversa la route à quelques mètres de notre jeep!
Mercredi 23 juillet 2008 – Notre vie spirituelle à HD Kote
L’Inde est un pays renommé pour son sens du sacré. Par une étrange loi des contraires supposés s’attirer, c’est dans l’un des pays les plus sécularisés au monde, la France, que cette représentation de l’Inde rencontre le plus d’écho. Consciemment ou non, pour beaucoup d’entre nous, la participation au projet Inde Espoir 2008 a aussi été une démarche spirituelle. Comme si la péninsule indienne était une plateforme pour rencontrer Dieu.
Concrètement, qu’avons-nous vécu ? Aucun de nous ne s’est converti à l’hindouisme, autant que je sache ! Il me semble plutôt que notre quotidien au bourg de HD Kote nous a conduits à nous poser beaucoup de questions sur la foi, le sens de nos vies, l’application de nos préceptes religieux.

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Nous étions bien entourés pour entreprendre cette aventure : munis du père Christian Mellon et choyés par les Sisters de l’école St Mary, les expériences de vie spirituelle ne manquaient pas. Tous les soirs, vers 19 h 30, après le rude travail de la journée et le décrassage-goûter, le père disait la messe pour nous dans la micro-chapelle du couvent des Sisters. Cette eucharistie revêtait particulièrement son sens de repas pris en commun : nous restions assis durant toute la célébration, ainsi que le célébrant, et nous nous passions la communion de main en main. Souvent, la « power cut » (coupure d’électricité) intervenait au milieu de la consécration et l’offrande se poursuivait à la lueur des bougies. Intimité et recueillement garantis !
Après plusieurs jours de chantier, certains étaient suffisamment endurcis pour pouvoir se lever parfois à 6 h afin d’assister à la messe des Sisters dite en anglais par le curé de la paroisse. Et le dimanche, nous n’avions que quelques pas à faire pour nous rendre à la paroisse catholique de HD-Kote où nous communiions avec ferveur avec les paroissiens locaux. Malheureusement, nous ne pouvions pas saisir un traître mot du prêche enflammé du bon curé, car la messe était dite en kannada. C’est bien dommage, car vu que les sermons duraient 45 minutes, ils devaient être drôlement importants ! Heureusement, le fossé linguistique était comblé par les chants magnifiques et entraînants entonnés par les femmes (c’est-à-dire le côté gauche de l’assemblée !)
Les messes n’ont pas été les seuls rendez-vous spirituels du séjour. Tous les matins, avant de nous rendre sur le chantier, nous nous rassemblions autour du père Christian afin qu’une courte prière et une parole de l’Ecriture infusent en nous tout le long de la journée de travail. Certains soirs, avant la messe, on pouvait, si on le souhaitait, partager des moments de réflexion avec « Father Chris » (i.e. le père !)
L’Inde n’a pas influencé notre vie spirituelle de la façon dont nous l’imaginions au départ. On a tous dans la tête des images de fakirs, d’encens et de lévitations quand on pense à l’Inde ! Nous pensions donc sans doute être happés par cette atmosphère et être conduits, presque malgré nous, à un niveau très élevé de spiritualité. En fait, ce qui s’est passé est plus subtil. La découverte des multiples religions du sous-continent indien a certes été une entrée très forte dans la culture de cette région protéiforme. C’est impressionnant d’être initié aux rudiments de l’hindouisme, du jaïnisme (une variante pacifiste de l’hindouisme), de l’islam, du sikhisme (dont les adeptes sont superbement enturbannés), etc. Plus tard, au cours de nos voyages du mois d’août, nous pourrons pénétrer dans des lieux de culte richement décorés s’ouvrant pleinement sur la rue, voire être bénis par un prêtre Brahmane. Nous aurons aussi quelques belles surprises, comme par exemple trouver des messes en français lors de passages à Pondichéry ou à Goa pour certains d’entre nous !
Cependant, c’est sur le chantier de l’école St Mary, au jour le jour, que notre spiritualité s’est le plus enrichie : par notre travail physique difficile, notre convivialité dans l’effort avec les ouvriers indiens, nos discussions entre nous, la vie fraternelle avec les Sisters, le contact quotidien avec un bon millier d’enfants assoiffés d’amour et de sourires. L’Esprit s’est glissé en nous dans ces moments où nous avons vécu une vie communautaire au sens le plus fort du terme, bien éloignée des standards occidentaux.
Puisse cette expérience porter de beaux fruits à l’avenir !

Jeudi 24 juillet 2008 – Petite description d’un chantier indien
Rappel de la mission : construction d’une école primaire sur deux étages, avec pas moins de 12 classes, 20 ouvriers, et plus de 3 427,22 m3 de sable à tamiser !
Troisième semaine de mission : nous avons déjà pu observer chez les autochtones certaines pratiques fort différentes des nôtres.
Premier bilan concernant l’outillage ou plutôt l’armement utilisé :
- Absence TOTALE de brouette. A la place, il semblerait qu’un service 12 pièces de superbes assiettes métalliques ou plastiques soit plus pratique !
- Afin de compléter le service, une bonne pelle-bêche TATA est de rigueur. Utilisation à la guise de l’utilisateur : pour le sable, les graviers, le béton, le ménage, enfin tout quoi !
- Oubliez notre bon vieux niveau à bulle ou télémètre laser pour les plus high-tech ! Un long tuyau transparent rempli d’eau et l’application du principe des vases communicants (vive l’hydrostat !) fait l’affaire.
- Seul outil commun avec nos missions européennes : une bétonneuse ! Seul problème : le matériel est difficile à régler et le démarrage manuel un peu compliqué…
- Pour le travail en hauteur, il semblerait que les Indiens méprisent l’échafaudage métallique et optent pour des traverses en bois reliées à l’ancienne par un bon brelage. Bref, une plate-forme à la scout ! Mais bien sûr, pour garantir la sécurité, la ficelle est simplement extraite de fibres de noix de coco !

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Second bilan concernant les autochtones eux-mêmes :
- Ils travaillent 6 jours sur 7 et gagnent entre 150 et 250 roupies par jour (soit l’équivalent de 2,5 à 4 euros).
- Après les premiers jours un peu difficiles, très vite nous avons sympathisé. Nous en sommes à présent à jouer au foot ou au volley en « after-work » ou « before-rain ». Bref, l’ambiance sur le chantier est sympathique, même si la communication reste limitée car les ouvriers parlent très peu anglais et nous « salpa salpa, gotto Kannada » (ce qui signifie : « je parle très très peu Kannada ! »).
- Le rythme est relativement bon, et la journée ponctuée du traditionnel “tea break” (thé au lait ultra-sucré mais qui se laisse apprécier – pour les plus aventureux du moins).
Concernant la sécurité, le port du casque et des chaussures de sécurité est to-ta-le-ment respecté…mais il semblerait que le casque indien ressemble davantage à une serpillère ou à une casquette qu’aux casques que nous connaissons, et que la chaussure de référence (indienne) soit la tongue ! De plus, afin de rentabiliser au mieux la construction, les enfants s’installent dans leur nouvelle classe dès que l’enduit est terminé, en plein chantier, au milieu des lancers de briques et d’assiettes de ciment… !
Enfin, toujours dans la rubrique sécurité, chers parents et amis, sachez que nous avons pu profiter du feu d’artifice du 14 juillet, fêté deux jours plus tard (peut-être le décalage horaire…). En effet, Djempa, l’un des ouvriers, a voulu jouer à l’apprenti-chimiste. Voici son petit protocole expérimental (si vous souhaitez le réaliser chez vous) : prenez tout d’abord un grand tonneau vide, de 200 litres. Versez-y 4 sacs de chaux (surtout pas 3, sinon ça ne marche pas !). Ensuite, versez peu à peu de l’eau tout en remuant avec une barre à mine. Attendez l’ébullition. PAUSE ! Il faut aussi choisir son jour pour cette expérience : préférez l’unique
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jour du mois ou votre « big boss » vient faire la visite de chantier. Il faut aussi que Sister Jane, la principale de l’école, soit présente, ainsi que Suresh, votre chef de chantier. Assurez-vous qu’ils vous regardent et sont assez proches. REPRENONS. Dès que l’ébullition prend, éloignez-vous un petit peu (mais surtout pas trop !) et là… vous pourrez admirer un joli champignon de chaux chaud (ahahah…). Résultat de votre expérience : 3 de vos supérieurs avec des brûlures assez importantes, et l’œil du pauvre Djempa sérieusement amoché pendant quelques jours (on ne sait toujours pas s’il a retrouvé toutes ses capacités !). Ainsi va la vie sur le chantier de l'école primaire St Mary de HD-Kote !
Samedi 26 juillet 2008 – Les enfants de l’école
Lorsque nous avons appris en janvier que nous travaillerions dans une école, chacun s'est réjoui à l’idée de vivre parmi des enfants indiens, d’apprendre à les connaître et de découvrir, peut-être, leurs familles, après la journée sur le chantier. Quelques jours avant que celui-ci ne se termine, c'est en effet avec beaucoup de nostalgie que nous allons quitter ces gamins, qui ont illuminé nos journées par leur vitalité et leur spontanéité.
Nos petits amis raffolent des serrages de mains, et l’on sent poindre au sein de l’équipe des vocations d’hommes politiques ! Ils aiment aussi vous demander votre nom, « What’s your name » étant parfois la seule phrase d’anglais qu’ils connaissent, avec le poli « How are you ? ». Une autre locution courante est le « Kussumbari !». Il parait qu'en kannada cela signifie « prends-moi sur ton dos » : la horde de petits schtroumpfs en uniformes bleus s'est vite prise au jeu de quelques-uns d'entre nous, qui eurent l'idée diabolique de leur proposer une petite cavalcade à dos d'étudiant français. Depuis deux ou trois semaines, ceux-là sont bien punis, puisqu'ils doivent rentrer du chantier avec une grappe de cinq gosses à chaque bras, deux autres s'agrippant au T-shirt ou aux cheveux. On préfère encore les écuelles de ciment (« Banli garai »).

Mentionnons enfin, le « camera please », parfois agrémenté d'un « single photo please ». Les Indiens, et les enfants en particulier, adorent se faire prendre en photo pour se voir sur l'écran ensuite. Le problème est qu’il est impossible de prendre un portrait individuel sans que le reste des charmants bambins ne rapplique dans une atroce cohue, ni de ranger son appareil sans se le faire aussitôt reprocher par une tripotée de frimousses mécontentes.
Il n'en reste pas moins que nous avons immensément apprécié d'être si souvent au contact de tous ces enfants. Beaucoup d'entre nous étaient très heureux, après le chantier, de se « ressourcer » en une simple traversée de cour. Au chapitre des regrets, celui de n’avoir finalement que peu joué avec les enfants. A part deux foots, un épervier et quelques tentatives


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avortées de notre part pour apprendre leurs jeux, nos contacts se sont réduits à de franches rigolades et à des bains de foule enthousiastes. Le dernier dimanche, toutefois, deux d’entre nous ont eu une introduction au cricket, pédalé sur les vélos locaux, et visité quelques maisons. Tout ça entrecoupé, évidemment, de « Kussumbari » endiablés…on ne se refait pas !
Vendredi 1er août – Le départ, déjà
La fin du chantier approche, et nous nous rendons compte que le bâtiment a bien avancé. Nous sommes devenus incollables sur les étapes de la construction d’un mur en briques ou sur la composition du béton, tandis que les techniques de tamisage du sable n’ont plus aucun secret pour nous.
Un matin, Ishmara, l’un des ouvriers, arrive avec euphorie sur le chantier et nous demande de cesser nos activités respectives. D’un large sac noir en plastique, il sort des stylos publicitaires qu’il distribue avec empressement à toute l’équipe. Il y en a quatorze : un pour chacun d’entre nous. Cet objet est l’emblème de la gratuité de l’échange que nous avons pleinement vécu en Inde, aux côtés des dalits. Qui aurait pu nous dire, avant notre départ, que nous sympathiserions autant avec ces hommes, qui connaissent maintenant chacun de nos prénoms et se sont habitués à travailler avec l’un ou l’autre d’entre nous, à tel ou tel poste du chantier ? Les pauses-thé de 11 heures, sur notre lieu de travail, ont été l’occasion d’échanger quelques mots et des sourires complices avec ceux qui nous ont appris la dureté de leur travail. Assis sur la gigantesque montagne de sable inlassablement tamisé pendant un mois, nous considérons en surplomb la construction matérielle et spirituelle à laquelle nous avons participé avec bonheur, et déjà la nostalgie nous serre un peu le cœur : dans deux jours, il faut partir.
Mais impossible de quitter ce lieu sans dire au revoir dignement à nos compagnons de travail. Nous décidons donc d’organiser, la veille de notre départ, un apéritif dans l’une des salles de classe fraîchement bâties. Tous acceptent notre invitation. Le mutisme de nos amis, visiblement mal à l’aise dans cette réunion trop formelle (ils sont assis sur des bancs, disposés le long des murs), est bientôt brisé par le récit d’une anecdote dont tout le monde se souvient, et dont tout le monde rit à présent : celle de l’accident de Djempa, lors de l’éruption de chaux. Puis nous distribuons à chacun d’entre eux une photo de groupe, prise à leurs côtés sur le chantier, et soigneusement dédicacée par nous tous. L’émotion est de plus en plus palpable, et atteint son paroxysme au moment des adieux, qui sont d’ailleurs un peu précoces, puisque nous ne partons que le lendemain. Nous échangeons alors accolades et poignées de mains fraternelles, et nous dirigeons, sur leur invitation, vers le petit débarras jouxtant le chantier. Là, Ishmara et Lara allument une radio et commencent à danser sur un tube indien ! Nous les rejoignons pour leur faire une démonstration de la manière dont on danse le rock en France. Ce moment reste gravé dans nos mémoires, pour toute la joie qui s’y est manifestée.

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